Car écriture ce n’est pas juste aligner des lettres les unes après les autres. Ecrire ce n’est pas juste une question de tournure de phrase. Ecrire, c’est une histoire de cœur. Avant et après tout le reste. Ecrire est une his-toi-re-de-cœur.J’affectionne tout particulièrement cette citation de Jean Cocteau qui dit « Écrire est un acte d’amour. S’il ne l’est pas, il n’est qu’écriture ». Tout est dit dans cette phrase, je crois. Alors, pour débuter ces présentations hebdomadaires, je vais vous parler d’écriture qui libère. Plus précisément d’écriture qui soigne, d’écriture qui apaise. Il y a de cela de nombreuses années, donc. Je devais avoir 6 ou 7 ans, je ne sais plus. Je vivais en Guadeloupe à cette époque-là et ma mère m’avait envoyé acheter une baguette à la boulangerie qui se trouvait juste en face de l’appartement. Pour y aller, je devais juste prendre l’ascenseur. Descendre. Traverser la rue. Acheter la baguette. Retraverser la rue. Reprendre l’ascenseur. Monter. Et j’étais chez moi. A tout casser 5 minutes aller-retour. Sauf que les choses ne se sont pas passées tout à fait comme prévu. J’ai bien pris l’ascenseur. Je suis bien descendue. J’ai bien acheté la baguette. C’est au moment d’appuyer sur l’ascenseur pour remonter que tout a basculé. Car, à ce moment précis, se tenait dans le hall de l’immeuble un homme, dont je ne me souviens plus du visage. Je me souviens simplement que cet homme ne m’a pas inspiré confiance. Je me souviens encore, 30 ans après, que cet homme ne me voulait pas du bien. Je ne sais pas comment l’expliquer mais cette sensation, je l’ai là au creux de l’estomac. NE MON-TE PAS DANS CET AS-CEN-SEUR ne criait mon instinct. Mais à 7 ans, que savais-je de tout cela ? Alors, je suis montée. Et il m’a suivi. J’ai appuyé sur le 7 et lui sur le 3. Et après, les choses se sont passées très vite. Les portes à peine fermées, cet homme que je ne connaissais pas, que je n’avais jamais vu, m’a regardée. A mis son index levé sur sa bouche (son message pour me réduire au silence). S’est approché de moi. M’a baissé ma jupe de petite fille. A cet instant précis, j’étais tétanisée. Impossible de bouger, de parler. Mon cerveau s’est débranché. Cet homme était face à moi et savait précisément quoi faire. Je le ressentais. Mais que voulait-il ? A moi de surcroît ?! Qu’avait-il prévu de me faire ? Je tremblais de tout mon corps. Sauf qu’il n’avait pas prévu que le voyage soit si court car cet instant a duré quelques secondes en réalité. Souvenez-vous, il a appuyé au 3. Alors, le temps de baisser ma jupe, nous voici au 3ème étage. Les portes s’ouvrent. L’homme sort. Sans un regard en arrière. Sans un mot. Me laisse là. Tremblante. Hagarde. Je ne me souviens plus très bien de la suite. Je crois que j’ai simplement relevé ma jupe, je suis rentrée chez moi. J’ai tendu la baguette à ma mère. Et j’ai tenté d’oublier cette histoire. Pourquoi je n’ai rien dit à ma mère ? Je ne sais pas. Peut-être que dans ma tête de petite fille, je me suis dit qu’elle ne me croirait pas… Je ne sais pas. Toujours est-il que cette histoire a été, pour moi, le point de départ d’une relation qui serait dorénavant compliquée avec les hommes ! (Ça, je l’ai compris bien plus tard). Et en vous écrivant cette histoire, dont presque toute ma famille ignore l’existence, je prends conscience de l’origine de mon amour du chiffre 3. C’est mon chiffre porte-bonheur. Je comprends tout maintenant ! Pourquoi je vous raconte ça ? Parce que cette histoire a été le point de départ de ma relation à l’écriture. J’ai ressenti le besoin de coucher sur le papier toutes ces choses que je n’ai jamais osé dire. J’ai repassé cette scène en boucle dans ma tête. Que me voulait-il ? Qui était-il ? L’ai-je croisé de nouveau ? Me surveille-t-il ? Et si je le reconnais dans la rue ? Pire, si je le recroise dans l’ascenseur ? J’ai grandi avec la peur au ventre. Et, dès que l’occasion m’en était donnée, je restais dormir chez ma grand-mère. Là au moins, je me sentais en sécurité. C’est durant cette période que j’ai ressenti le besoin de tenir mon 1er journal intime. J’avais besoin, à ce moment-là, de raconter cette histoire. J’avais besoin de partager cette histoire. Alors, j’ai écrit. Les faits d’abord. Puis, après des années, le questionnement. Le doute. La colère. La haine. Le cri. Du fond du cœur, du fond des tripes. J’ai crié contre cet homme. Contre moi aussi. Pourquoi je n’ai rien dit ? Pourquoi je n’en ai pas parlé ? Le jour où j’ai réalisé que cet homme avait fait quelque chose de grave, et que ça aurait pu être plus grave encore s’il avait résidé au 10ème étage, j’ai eu envie de porter plainte. Mais il était trop tard. Les années de la prescription étaient passées par là et puis, il m’avait « à peine » touchée. Je suis restée donc seule avec mon amie fidèle l’écriture et j’ai continué à écrire. Ecrire pour me libérer. Ecrire pour sortir toute cette laideur que je ne voulais pas garder. Il s’en est passé de nombreuses choses dans ma courte vie. Le temps, la lecture, l’écriture, la musique aussi !, ont fait leur œuvre. Ont pansé mes blessures. (Aussi et surtout l’amour de ma famille). Aujourd’hui, je suis libérée de cette histoire (et de toutes les autres !). C’est ce qui explique, je le crois, le fait que je la partage maintenant avec vous ! L’auteur de cette semaine s’appelle Mishakal Yveldir. Mishakal est une autrice qui écrit comme on respire. De la dark fantasy mais aussi des enquêtes médiévales, des romances, de l’horreur, de la science-fiction. Bref, Mishakal est une autrice qui a un rapport à l’écrit tout particulier. Comme elle le dit elle-même, elle a une écriture « abréactive ». Les mots sont sa forteresse. Les mots sont ses armes. Les mots sont sa délivrance. Alors, cette semaine découvrons Mishakal et son livre « La princesse de Glas de Crystal ». Que la découverte soit belle !
l’apprentissage, ma libération.
Je me suis toujours sentie à l'écart du monde. Trop sensible pour certain.s. Pas assez démonstrative pour d'autres. Trop réservée. Pas assez...
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